En Afrique, la société a appris à la femme qu’elle devait se taire, se soumettre et supporter

En Afrique, la société a appris à la femme qu’elle devait se taire, se soumettre et supporter

La militante camerounaise Minou Chrys-Tayl veut délier les langues des victimes de violences conjugales.

D’après le ministère camerounais de la promotion de la femme et de la famille, 55 % des femmes et jeunes filles camerounaises ont subi au moins une forme de violence dans leur vie : bastonnade, autres formes de sévices corporels, viols, insultes… La majorité garde le silence. Humiliée et battue par son compagnon, Minou Chrys-Tayl a décidé de s’exprimer et de briser ce tabou. Fondatrice du mouvement J’ai décidé de vivre, la jeune femme organise des campagnes sur les réseaux sociaux pour délier les langues des victimes camerounaises.

Pouvez-vous nous raconter votre histoire ?

Minou Chrys-Tayl : Mon histoire est celle d’une jeune journaliste animatrice camerounaise qui tombe amoureuse d’un jeune homme d’affaires et qui décide de le suivre dans son pays, le Bénin. Je découvre une société, comme dans beaucoup de pays en Afrique, où la femme n’est réellement pas prise en compte. Au-delà de tous les diplômes qu’on peut avoir, on se rend compte que la femme africaine doit se taire, se soumettre et supporter.

Quand faites-vous face aux violences conjugales ?

Mon compagnon m’avait offert un téléphone qu’il avait piraté. Il me suivait à la trace. Je n’étais plus active sur les réseaux sociaux. Mes amis s’inquiétaient. J’ai acheté un autre appareil, en cachette. Un jour, je suis allée le réparer. Le technicien était un ami de mon conjoint, ce que j’ignorais. Il l’a appelé pour le lui dire. A mon retour, il m’a crié dessus et m’a dit que je n’allais pas retourner dans sa maison. J’ai passé la nuit du 25 novembre 2016, la première de ma vie, à la belle étoile, au milieu des prostituées. Le lendemain, une connaissance m’a hébergée pendant une semaine. Mon compagnon m’a suppliée et m’a demandé pardon. Il a appelé mon frère au Cameroun, qui m’a convaincue. Je suis retournée chez lui. Mais j’étais déjà très traumatisée.

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Le Monde Afrique

COVID-19 : au Niger, des sages-femmes déjouent les pronostics les plus pessimistes

COVID-19 : au Niger, des sages-femmes déjouent les pronostics les plus pessimistes

La décentralisation des soins pré et postnataux a fait augmenter le nombre d’accouchements assistés tout en accélérant la planification familiale.

C’est un jeudi comme tant d’autres à la Direction de la planification familiale du Niger. Ce 17 septembre, dans cet établissement sanitaire de Niamey, la capitale, des dizaines de femmes prennent leur mal en patience avant d’entrer en consultation. « Vous voyez, il y a du monde. La vie a repris son cours, comme avant le

premier cas de Covid », déclaré le 19 mars, se félicite le docteur Issoufa Harou, en arpentant le vaste hall animé par les cris de bébés. Le directeur de la planification familiale du ministère de la santé laisse poindre un sourire en coin quand on lui parle des différents rapports qui, au printemps, prédisaient que le coronavirus allait être une catastrophe sur cette terre sahélienne.

Champion mondial de la procréation avec un taux de fécondité de 7 enfants par femme, le Niger cristallisait les inquiétudes dans la sous-région. « Tout le monde pensait que ça allait être un désastre, ici. Les gens disaient que les femmes enceintes ne pourraient pas être suffisamment suivies, qu’elles accoucheraient davantage chez elles et donc que le risque de mortalité maternelle et infantile allait augmenter. Mais rien de tout ça n’est arrivé. Au contraire », s’enorgueillit le médecin.

Equipes de santé mobiles

Sur ces terres reculées, c’est la décentralisation des soins post et prénataux qui permettent de traverser la crise sans hécatombe. Cette stratégie, en place depuis quatre ans, a été fortement renforcée depuis 2019. Ces derniers mois, 80 sages-femmes, 40 infirmières et trois gynécologues ont même été recrutés pour constituer et former, partout dans le pays, des « équipes mobiles » chargées d’assister les femmes enceintes directement à leur domicile. Un moyen de continuer à accompagner celles qui, au début de l’épidémie, « préféraient mourir chez elles en brousse plutôt que d’aller au centre de santé, de crainte d’attraper le virus. Heureusement, nous avions déjà mis en place ces équipes mobiles », assure Aïshatou Zada, une des sages-femmes du programme, pour qui « la peur liée à la pandémie aurait eu des effets dévastateurs bien supérieurs au Covid lui-même ».

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Le Monde Afrique

Le paludisme pendant la grossesse

Le paludisme pendant la grossesse

Accélérer le déploiement à grande échelle du TPI : Lancement d’un appel mondial pour renforcer la protection des femmes enceintes contre le paludisme en Afrique.

Point presse virtuel – Le paludisme pendant la grossesse

Organisé par le Partenariat RBM pour en finir avec le paludisme

Co-organisé avec le Réseau de recherche sur les médias africains et le paludisme (AMMREN)

Experts intervenants :

• Dr Anshu Banerjee, Directeur, Département Santé de la mère, du nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent, et vieillissement, Organisation mondiale de la Santé

• Dr Pedro Alonso, Directeur, Programme mondial de lutte antipaludique, Organisation mondiale de la Santé

• Dr Aminata Cisse ép. Traoré, directrice adjointe chargée de la santé reproductive, direction générale de la Santé et de l’Hygiène publique, ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, Mali

Modérateur :

• Mildred Komey, Point focal Paludisme pendant la grossesse, Programme national de lutte contre le paludisme, Service de santé du Ghana

Le paludisme pendant la grossesse est un problème de santé publique majeur, qui entraîne 10 000 décès maternels dans le monde chaque année, principalement en Afrique subsaharienne. Pendant la grossesse, les femmes sont plus sensibles à l’infection par le paludisme et courent un risque plus élevé de maladie, d’anémie grave et de décès.

La semaine prochaine, le Groupe de travail sur le paludisme pendant la grossesse du Partenariat RBM pour en finir avec le paludisme lancera un appel urgent aux dirigeants et aux responsables des politiques de santé en faveur d’un renforcement de l’accès au traitement préventif intermittent pendant la grossesse (TPI) chez les femmes enceintes éligibles en Afrique subsaharienne. Rejoignez-nous pour écouter les interventions d’experts sur la manière dont nous pouvons mieux protéger des millions de femmes enceintes et leurs nouveau-nés des conséquences dévastatrices du paludisme pendant la grossesse.

Point presse virtuel le 6 octobre 2020

 

Au Nigeria, l’allaitement exclusif face aux idées reçues

Au Nigeria, l’allaitement exclusif face aux idées reçues

« L’enfant n’a pas besoin d’eau en plus du lait ». Si la classe moyenne urbaine est bien informée, la pratique reste peu répandue malgré ses nombreux bénéfices sur la santé.

Les chaises en plastique de la salle d’attente ont été installées jusque sur le parking du centre de santé d’Ogudu pour respecter les mesures de distanciation physique liées à l’épidémie de Covid-19. A l’ombre d’un anacardier, une vingtaine de femmes, leurs enfants sur les genoux, attendent à bonne distance les unes des autres qu’une infirmière les appelle pour vacciner les petits.

Chaque jour, près de 150 patientes passent la porte de cette petite clinique défraîchie d’un quartier populaire de Lagos, la capitale économique du Nigeria. A toutes, on tient le même langage et on recommande de pratiquer l’allaitement maternel exclusif jusqu’aux 6 mois des enfants. « Juste après l’accouchement, nous encourageons les femmes à mettre leur enfant au sein et leur expliquons les bénéfices de l’allaitement maternel exclusif pour sa croissance et sa santé », explique le docteur Akintola, la moitié du visage cachée derrière son masque. Le conseil est bien reçu par les femmes qui consultent ce jour-là. Dans ce pays où le taux de mortalité infantile est encore de 120 pour 1 000 (contre 3 pour 1 000 en France), chacun connaît des parents endeuillés.

Agnès Edward soulève son fils de 9 mois, King David, un poupon aux joues rebondies. Comme ses deux aînés, l’enfant a été exclusivement nourri au sein pendant ses six premiers mois. « Ça a été facile pour moi d’allaiter, assure leur mère, car j’ai eu la chance de recevoir le soutien de ma sœur et de mon mari, tous les deux très présents. » Agnès a perdu son emploi il y a quatre ans, lorsque la famille pour laquelle elle travaillait comme domestique est partie s’installer au Brésil. Avec son salaire de l’époque, elle avait pu s’acheter un tire-lait, qu’elle utilise encore aujourd’hui lorsqu’elle laisse ses enfants à une amie. Un luxe que la majorité des Nigérianes ne peuvent s’offrir.

« Même à l’église il y a une salle pour ça »

Dans ce pays, le plus peuplé d’Afrique avec 200 millions d’habitants, toutes les mères ne sont pas encore convaincues des bienfaits de l’allaitement. Le Nigeria affiche même un taux d’allaitement exclusif parmi les plus faibles d’Afrique subsaharienne. Selon une étude de 2018, seuls 29 % des bébés en bénéficient. Une situation qui « évolue très lentement, mais nous espérons monter à 50 % d’ici à 2025 », promet Ijeoma Onuoha-Ogwe, qui travaille pour l’Unicef. L’enjeu est de taille, car « quand l’enfant n’est pas exclusivement nourri au lait maternel, cela veut dire qu’il ingère de l’eau, voire des aliments solides ; cela affaiblit son système immunitaire, favorise la malnutrition et accroît les risques de diarrhée, une des premières causes de mortalité infantile ».

Ijeoma Onuoha-Ogwe se rappelle avoir vu des femmes donner à leur nourrisson du « pap », de la farine de manioc diluée dans de l’eau : « Elles ont parfois du mal à comprendre que l’enfant n’a pas besoin de boire de l’eau en plus du lait. Elles pensent aussi qu’il aura du mal à diversifier son alimentation si elles ne l’habituent pas très jeune à la nourriture solide. Ce qui est totalement faux. » Les préjugés sur l’allaitement circulent dans toutes les couches de la population, des provinces reculées jusqu’aux grandes villes.

Victoria Akuidolo, une styliste de 27 ans, se souvient avoir dû défendre ce choix face à sa mère. « Lorsqu’elle s’est rendu compte que je donnais exclusivement du lait maternel à ma petite fille, elle m’a demandé si je manquais d’argent pour acheter du lait en poudre », se remémore la jeune femme en attirant à elle sa fillette de 3 ans. La modéliste dit n’avoir eu aucun mal à la mettre au sein, pas plus que son petit garçon de 9 mois. « Ici, il est assez simple de trouver un endroit où allaiter. Même à l’église il y a une salle pour ça », explique-t-elle, admettant que son travail en indépendante lui a facilité la vie : « Si j’avais dû sortir pour aller travailler, il aurait été beaucoup plus compliqué pour moi de m’organiser pour garantir un allaitement exclusif. »

Impliquer les pères et la communauté

En 2018, le Nigeria a officiellement étendu la durée du congé maternité de trois à quatre mois. Si Victoria n’est pas concernée, Chiboza Tony-Nze a pu, elle, bénéficier de cette avancée, qui ne concerne que les femmes employées dans le secteur formel. Cette analyste dans un cabinet d’assurances de Lagos a pu quitter son travail pour s’occuper de Daniel, son premier-né. Si elle l’a nourri au sein les premiers temps, Chiboza n’a pas pu maintenir un allaitement exclusif pendant les six premiers mois de l’enfant. « Daniel est né par césarienne et j’ai rapidement manqué de lait, regrette-t-elle. Je le trouvais un peu maigre, les enfants des autres me semblaient plus joufflus et en meilleure santé. »

La jeune mère avait pourtant reçu des conseils alimentaires, pour elle et son bébé, au sein de la clinique d’Ogudu. Ce travail de sensibilisation est plus difficile à mener dans les zones rurales, où les personnels de santé tentent d’impliquer les pères et l’ensemble de la communauté pour faire tomber les idées reçues et promouvoir les bénéfices du lait maternel. Un message qui se diffuse lentement, même si la pratique s’installe progressivement dans le pays.

Par Liza Fabbian pour Le Monde Afrique

L’allaitement est le premier vaccin du bébé !

L’allaitement est le premier vaccin du bébé !

L’initiative Stronger with Breastmilk Only vise à sauver des vies et à réduire la malnutrition infantile en Afrique de l’Ouest et centrale.

Tous les parents veulent le meilleur pour leurs enfants. L’allaitement offre des moments exceptionnels au cours desquels une mère développe un lien particulier avec son enfant et bien plus encore. L’allaitement est un élément essentiel pour donner à chaque enfant le meilleur départ dans la vie. C’est le premier vaccin du bébé; sa meilleure source de nutrition et il ouvre la voie à un développement sain de son cerveau.

L’initiative Stronger with Breastmilk Only encourage de donner aux bébés uniquement du lait maternel, sur demande, et d’arrêter la pratique de donner de l’eau (et d’autres liquides et aliments), du moment de leur naissance à leurs six premiers mois de vie. L’initiative vise à ce que l’Afrique de l’Ouest et du Centre atteigne l’objectif mondial d’allaitement exclusif de 50% d’ici 2025. L’initiative Stronger with Breastmilk Only répond à l’appel à l’action du Global Breastfeeding Collective, qui rassemble plus de 20 organisations internationales qui plaident collectivement pour une augmentation des investissements et un changement de politique pour atteindre l’objectif mondial de l’allaitement maternel.

Malgré une croissance économique positive en Afrique de l’Ouest et centrale, des estimations récentes indiquent que le nombre d’enfants de moins de cinq ans souffrant de retard de croissance est passé de 23 à 29 millions entre 2000 et 2019. En outre, la région abrite environ 7,3 millions d’enfants souffrant de malnutrition. Ces chiffres alarmants soulignent l’ampleur de la malnutrition à laquelle les enfants de la région étaient déjà confrontés, même avant la pandémie COVID-19. Avec le COVID-19 et l’augmentation des niveaux d’insécurité alimentaire ainsi que d’autres facteurs de risque, le nombre de cas de malnutrition régionale devrait encore augmenter. En Afrique de l’Ouest et centrale, l’UNICEF estime en 2019 que sept bébés sur dix ont reçu des liquides et des aliments en plus du lait maternel au cours de leurs six premiers mois de vie, contribuant à la malnutrition infantile, aux maladies et même à la mort.

L’initiative pluriannuelle Stronger With Breastmilk Only lancée par l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la santé et l’initiative Alive & Thrive appelle les gouvernements, les partenaires, les entreprises, les communautés et les familles à faire en sorte que les mères obtiennent le soutien dont elles ont besoin pour donner à leurs bébés le meilleur départ dans la vie.

Au Cameroun, les bienfaits du lait maternel peinent à faire oublier la pression sociale

Au Cameroun, les bienfaits du lait maternel peinent à faire oublier la pression sociale

La pauvreté, les contraintes liées au travail et le culte du corps expliquent que de nombreuses femmes renoncent à pratiquer l’allaitement exclusif.

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Ayo déborde de vie. Tout juste 2 ans et elle ne s’arrête jamais. A peine grimpée sur le canapé, elle en est déjà redescendue pour se diriger vers la télévision, où elle pointe du doigt les animaux qui défilent. Est-ce l’allaitement maternel exclusif qui l’a nourrie les six premiers mois de sa vie, sans ajout d’eau, qui lui donne autant d’énergie ? Sa mère est convaincue que « son alimentation y est pour quelque chose ». D’ailleurs, Marylène Owona, 34 ans, dit voir la différence entre ses deux enfants.

Elle a eu sa première fille, Alys, à l’âge de 19 ans, alors qu’elle était étudiante en France. Elle avait bien essayé de l’allaiter à 100 %, malgré une première semaine de douleurs car la succion mettait ses tétons « en charpie ». Mais elle avait rapidement arrêté, introduisant des petits pots dans l’alimentation de sa fillette dès l’âge de 2,5 mois. Ensuite, comble de malchance, Marylène s’était vu interdire l’allaitement, la pratique étant incompatible avec les médicaments qu’elle devait avaler. Elle était donc passée au biberon, à contrecœur.

Restée sur cet échec, la jeune femme savait dès le début de sa deuxième grossesse qu’elle nourrirait cet enfant exclusivement au sein. De retour au Cameroun, elle espérait que ce serait plus simple. Et effectivement, le fait d’être installée à son compte – elle dirige une agence de communication – lui a facilité la tâche.

« L’enfant aime se connecter à sa mère »

Pour elle, mettre le bébé au sein est un geste naturel. « Un plaisir, un moment privilégié, dit-elle. Et puis l’enfant aime se connecter à sa mère, téter ce lait qui contient des éléments vitaux pour lui. » Durant six mois, elle nourrit donc sa petite fille exclusivement au sein, non sans contraintes car l’alimentation est à la demande de l’enfant. « Il n’y a pas de tétée programmée. Quelle que soit l’heure, il faut être là. » Entre les 6 et 12 mois du bébé, elle introduit doucement purées et petits repas, en maintenant une mise au sein de plus en plus espacée, pour aboutir à un sevrage complet d’Ayo à 1 an.

Avec le recul, Marylène Owona voit bien que « la grande a été plus malade que la petite ». Elle pense que « l’allaitement maternel, avec ses anticorps et ses oligoéléments, a rendu Ayo plus forte ». D’après la professeure Anne Esther Njom Nlend, présidente de la Société camerounaise de médecine périnatale (SCMP) et directrice du centre hospitalier de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) de Yaoundé, le lait maternel apporte en effet à l’enfant des composants anti-infectieux, immunologiques, beaucoup d’anticorps, il prévient l’obésité et favorise une bonne croissance. Et chez la mère, l’allaitement aide à prévenir certains cancers.

Pourtant, selon l’enquête démographique et de santé 2018 au Cameroun, seuls 40 % des bébés de moins de 5 mois sont exclusivement allaités. Un taux trop faible, qui fait courir aux autres « des risques d’allergies, d’infections et de malnutrition », souligne Anne Esther Njom Nlend, qui, avec d’autres médecins, multiplie les campagnes de sensibilisation sur l’importance de l’allaitement maternel exclusif et apporte des conseils aux femmes. Hélas, elles sont encore nombreuses à décliner son aide. De la pauvreté aux complications dues au retour au travail, en passant par les craintes de déformation du corps, les raisons de ces réticences sont multiples.

Non, les seins ne s’affaissent pas

Agée de 47 ans, Jacqueline Souffo est mère de six enfants et trois fois grand-mère. En vingt-sept ans de maternité, jamais cette « bayam-sellam » (acheteuse-revendeuse) n’a allaité exclusivement durant six mois. « Pour allaiter tout le temps, il faut bien se nourrir. Or je n’ai pas grand-chose à manger et à force d’allaiter, j’avais des vertiges. Alors dès le premier mois, j’ai donné de la bouillie de maïs, du soja et de l’arachide à mes enfants », se souvient-elle. Quant à Mireille, coquette employée d’une société d’assurance venue faire ses soins dans un salon esthétique, elle raconte avoir « arrêté après trois semaines » et « continué avec du lait artificiel ». « Je n’avais pas tout simplement pas envie et je ne voulais pas que mes seins s’affaissent », avoue la jeune femme.

Pour le sociologue Bertrand Magloire Ndongmo, l’allaitement maternel est « très limité et peu encouragé » dans certains milieux populaires camerounais parce qu’il a « une forte incidence sur le corps » et que beaucoup de femmes croient, en dépit des démentis des experts, que leurs seins s’affaissent si elles allaitent. « Nous sommes dans une société très exigeante vis-à-vis de la femme, dit-il. Et une mère qui veut être courtisée après sa maternité va sacrifier sa progéniture. Sur l’immense et compétitif marché de l’amour, les femmes aux seins fermes sont plus sollicitées. C’est pourquoi nous vivons une crise de l’allaitement maternel. La femme qui choisit de ne pas allaiter est un être rationnel qui se dit que c’est moins coûteux pour elle. » D’autant que la chirurgie esthétique est hors de portée de la majorité des Camerounaises.

Pour créer un cadre de discussion, aider les femmes enceintes ou allaitantes et casser les « fake news », Marylène Owana a lancé le magazine Ma Famille« Il y a beaucoup d’idées reçues et pas forcément vraies qui circulent », rappelle la communicante, le regard tourné vers la petite Ayo. Pour canaliser son énergie débordante, la jeune femme vient de se lancer dans la fabrication de pâtes à modeler bio pour enfants, qu’elle commence à commercialiser à travers le Cameroun.

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Cette série a été réalisée en partenariat avec le Fonds français Muskoka.

Concilier travail et allaitement, une gageure pour les mères au Sénégal

Concilier travail et allaitement, une gageure pour les mères au Sénégal

Avec l’avancée de l’emploi des femmes, la pratique de l’allaitement maternel exclusif a tendance à diminuer, surtout en milieu urbain.

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Ventre arrondi sous sa longue robe verte, Aïssatou, 24 ans, entre dans la salle de consultation gynécologique du poste de santé de Grand Médine, un quartier populaire de Dakar. Les vérifications de routine effectuées, Ramatoulaye Diouf Samb, la sage-femme principale, demande à la jeune mère si elle a entendu parler de l’allaitement maternel exclusif, sans eau, durant les six premiers mois du nourrisson. « Je l’ai pratiqué avec mon premier enfant car je l’emmenais sur mon lieu de travail. Il est maintenant en très bonne santé. J’espère pouvoir faire de même avec mon second, si mon employeur actuel me le permet », répond Aïssatou, qui travaille comme domestique.

Au Sénégal, où six enfants sur dix souffrent d’anémie et où un tiers des décès néonataux sont liés à une sous-alimentation, 99 % des femmes allaitent leurs bébés, mais seulement 42 % sans ajout d’eau, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Responsable de la division nutrition et alimentation du ministère de la santé, la docteure Maty Diagne Camara se bat pour changer les pratiques et rappelle combien « l’allaitement maternel exclusif assure un bon départ de croissance de l’enfant ».

Les bienfaits du lait maternel sont multiples pour la mère, qui expulse rapidement le placenta, jouit d’une contraception naturelle pendant six mois et voit se réduire les risques de cancer de l’utérus. Pour l’enfant, ce lait contient des nutriments faciles à digérer et l’aide à lutter contre les maladies infectieuses et respiratoires. Mais si ce discours passe bien, il se heurte aux modes de vie. « Avec l’avancée de l’emploi des femmes, la pratique de l’allaitement maternel exclusif a tendance à diminuer, surtout en milieu urbain », note Maty Diagne Camara.

L’eau fragilise le système intestinal

Dans son poste de santé de Grand Médine, vêtue de sa blouse rose à rayures et masque sur le nez, Ramatoulaye Diouf Samb tente de sensibiliser un maximum de mères. « J’ai eu un déclic en voyant une grand-mère donner de la bouillie à un bébé de 2 mois pendant que la maman était au travail », se souvient avec dépit la sage-femme, qui rappelle que donner de l’eau ou de la bouillie fragilise le système intestinal du nourrisson.

Elle propose aux femmes qui exercent une activité professionnelle d’emmener leur enfant sur leur lieu de travail, enroulé dans le dos. C’est la plupart du temps déjà une habitude pour celles qui travaillent dans l’informel ou dans les milieux ruraux. « Les ménagères et les petites commerçantes y sont d’ailleurs obligées, car elles n’ont souvent personne pour garder leur enfant », remarque Ramatoulaye Diouf Samb. En revanche, cette option est plus compliquée à mettre en œuvre quand les femmes ont un emploi formel.

Cécile Constantine Time, mère de quatre enfants, a réussi à emmener les deux derniers à son bureau pour les allaiter durant les six premiers mois. « J’ai demandé à mon employeur d’aménager un coin pour l’allaitement. Le bébé était soit dans son berceau, soit sur mon dos, même pendant les réunions avec les collègues », sourit-elle, la tête remplie de bons souvenirs. Si tout s’est bien passé côté employeur, c’est à la maison que les choses se sont compliquées : « Ma belle-mère a mal pris que j’emmène mes enfants au travail »… jusqu’à ce qu’elle constate d’elle-même que les bébés avaient une meilleure croissance, moins de diarrhées et de vomissements que les deux aînés, avec qui Cécile n’a pas pu pratiquer l’allaitement maternel exclusif.

La jeune femme regrette que la loi ne soit pas plus contraignante sur l’aménagement d’un espace dans l’entreprise ou la possibilité de venir au travail avec une nourrice. Selon le code du travail, les mères ont droit à huit semaines de congé maternité après l’accouchement. Celles qui allaitent peuvent aussi poser une heure de repos par jour, payée comme heure de travail effectif. « Les textes sont là, mais la difficulté vient de leur applicabilité », analyse l’anthropologue Sokhna Boye, autrice d’une thèse sur l’allaitement maternel au Sénégal.

Sensibiliser l’entourage des mères

Mère de trois enfants, Rhokaya Bâ a essayé de tous les allaiter exclusivement. « Mais c’était très difficile d’allier emploi et allaitement, car l’heure quotidienne pour tirer mon lait n’était pas suffisante », estime-t-elle. Face à cette contrainte de temps, ce sont sa belle-mère et d’autres femmes de sa famille qui étaient chargées de nourrir ses enfants, grâce aux biberons de lait maternel qu’elle laissait le matin dans le frigo. « A partir de leur 5e mois, j’ai su qu’ils avaient mangé de la bouillie et bu de l’eau quand je n’étais pas là », regrette, déçue, cette employée d’un centre d’appels.

Une situation qui n’étonne pas Sokhna Boye : « Les normes institutionnelles qui poussent à l’allaitement maternel exclusif ne correspondent pas, voire sont contradictoires avec les normes sociales et culturelles. Il est même mal vu de ne pas donner d’eau à son nourrisson, surtout quand il fait chaud », explique-t-elle.

L’enjeu n’est donc pas seulement de sensibiliser les mères, mais aussi les belles-mères, les tantes et toutes les femmes de l’entourage. « Ce sont elles qui gardent l’enfant quand la mère va travailler, elles doivent donc connaître et respecter les consignes pour donner le lait maternel tiré puis réchauffé après avoir été gardé au frais », détaille Ramatoulaye Diouf Samb. La sage-femme de Grand Médine s’appuie, elle, sur les marraines de quartier pour combattre les obstacles socioculturels. Une bataille de tous les jours, pas encore gagnée, mais en bonne voie.

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Cette série a été réalisée en partenariat avec le Fonds français Muskoka.

«C’est naturel, sûr et gratuit » : au Burkina Faso, les nombreux bénéfices de la tétée

«C’est naturel, sûr et gratuit » : au Burkina Faso, les nombreux bénéfices de la tétée

A la maternité de Bangrin, on conseille aux mères de ne nourrir leur bébé qu’avec leur propre lait pendant les six premiers mois – et surtout pas d’eau.

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Le bébé n’a pas encore de prénom mais porte déjà un bracelet coloré au poignet gauche. A la maternité de Bangrin, à une vingtaine de kilomètres de Ouagadougou, Noélie Sawadogo considère ce petit bijou comme une amulette protectrice et ne manque jamais de le consulter en couvant des yeux sa petite fille de 4 jours, endormie à poings fermés. C’est là en effet que figure son poids ; cette surveillance rassure la jeune maman.

Avec ses 3 kg à la pesée, la fillette est légèrement en dessous de la moyenne, certes, mais l’accoucheuse Maïmounata Nikiema est sereine dans sa robe rose. « Un nouveau-né perd toujours un peu de poids les premiers jours, mais il va vite grossir avec votre lait », poursuit celle qui, forte de douze ans de service, se fait affectueusement appeler « tantie Maïmouna ».

Comme de nombreuses mères qui accouchent dans ce centre de santé rural du Burkina Faso, Noélie Sawadogo a choisi l’allaitement maternel exclusif pour son premier enfant. « Pour que mon bébé soit fort et en bonne santé », explique timidement la femme de 25 ans. Préconisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le « 100 % lait maternel et rien d’autre », de la naissance jusqu’aux 6 mois du nourrisson, permet de prévenir la malnutrition et les maladies diarrhéiques, principales causes de mortalité infantile en Afrique de l’Ouest.

« Premier vaccin »

Si l’allaitement est pratiqué par une grande partie des Burkinabées (environ 80 % d’entre elles donnent le sein jusqu’aux 24 mois de leur bébé), elles restent nombreuses en revanche à donner d’autres liquides que du lait maternel. Au Burkina, quatre nourrissons sur dix ingurgitent de l’eau ou d’autres boissons, selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef). Dans ce pays enclavé du Sahel où les températures avoisinent les 40 °C pendant la saison chaude, il peut sembler contre-intuitif à certains parents de ne pas donner à boire à leur nourrisson.

« Pourtant le lait maternel suffit », insiste Maïmounata Nikiema. Composé à 88 % d’eau, riche en lactose mais aussi en protéines, en graisses et sels minéraux, il contient tous les nutriments dont le bébé a besoin. « C’est la meilleure nourriture et boisson que l’on puisse lui offrir, c’est naturel, sûr et gratuit », résume cette fervente défenseuse de l’allaitement exclusif, qui tâche d’expliquer à chacune de ses patientes, en langue moré et à l’aide d’images simplifiées, les bénéfices de la tétée. Et ils sont nombreux.

Le colostrum, premier lait épais et jaunâtre secrété à l’accouchement, riche en anticorps, sert ainsi de « premier vaccin » au nouveau-né. Ensuite, le lait maternel contribue au bon développement physique et cognitif de l’enfant, tout en le protégeant des infections respiratoires et des diarrhées. Au Burkina, où le taux de mortalité infantile des moins de 5 ans est de 82 pour 1 000 naissances, près de 3 500 enfants pourraient chaque année être sauvés grâce à l’allaitement, estime une étude de l’initiative américaine Alive & Thrive.

Enfin, l’allaitement accélère la récupération de la mère après la naissance, réduit les risques de cancer et permet d’espacer les naissances.

Gavage à la tisane

En moins de deux générations, Fati Zangré, la belle-mère de Noélie Sawadogo, a vu la différence au village de Bangrin. « Aujourd’hui nos enfants sont en bonne santé ! », se réjouit cette grand-mère de 75 ans. « A mon époque, nous devions accoucher à la maison, on ne savait pas qu’il ne fallait pas donner d’eau. Beaucoup d’enfants tombaient malades », regrette-t-elle en regardant sa petite-fille à la chevelure déjà bien fournie.

Dans les villages, l’eau, assimilée à la vie, est centrale dans la coutume. Décoctions à base de plantes, « eau de bienvenue », purge et même « gavage » à la tisane… Il est parfois difficile pour certaines femmes de s’opposer à des pratiques perpétuées de génération en génération. Si les campagnes de sensibilisation ont réussi à faire baisser de 21 % en 2012 à 8 % en 2018 la proportion de nourrissons abreuvés en tisane, certaines idées reçues ont la vie dure.

« Des infirmiers et des sages-femmes continuent de véhiculer de fausses croyances, en conseillant par exemple de faire boire le nourrisson pour l’hydrater », fustige Médiatrice Touré Kiburente, spécialiste en nutrition à l’Unicef, qui connaît bien les dégâts causés par cette pratique. L’eau remplit rapidement l’estomac du bébé sans le nourrir, ce dernier perd alors son appétit pour le lait maternel, ce qui augmente le risque de malnutrition. Le liquide ou les ustensiles utilisés peuvent également être contaminés et causer des diarrhées. « Et moins l’enfant tête, moins la mère produit de lait », souligne la spécialiste.

Ce cycle vertueux reste fragile, elle le sait. C’est aussi pour cela qu’elle n’hésite pas à répéter encore et encore combien ces premiers mois sont déterminants pour la croissance de l’enfant et le reste de sa vie. Noélie Sawadogo, elle, a bien reçu le message. Son bébé en profitera.

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Cette série a été réalisée en partenariat avec le Fonds français Muskoka.

L’allaitement maternel exclusif, une priorité de santé publique en Afrique

L’allaitement maternel exclusif, une priorité de santé publique en Afrique

En Afrique, 5 millions d’enfants meurent chaque année sans avoir fêté leur 5e anniversaire. Diarrhée, pneumonie, paludisme, malnutrition, maladies infectieuses… Sur ce continent, la mort guette le bébé partout. Au point qu’un nourrisson y a quatorze fois plus de risques de mourir au cours de son premier mois de vie que dans un pays du Nord.

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Pourtant, il existe un élixir à la portée de chaque bébé, quel que soit le statut social, culturel et financier de sa famille. Un aliment dont disposent toutes les mères et qui offre toutes les garanties sanitaires et nutritionnelles, sans recourir à l’aide au développement ni à des dépenses supplémentaires pour les Etats ou les familles : le lait maternel. D’après les experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), la généralisation d’un allaitement maternel exclusif durant les six premiers mois de vie d’un bébé permettrait d’endiguer la mortalité néonatale et infantile et de sauver chaque année 200 000 vies rien qu’en Afrique de l’Ouest.

S’appuyant sur diverses études scientifiques, les deux institutions onusiennes recommandent que tous les nourrissons reçoivent cette alimentation unique. C’est pour aider les mères à mieux s’informer sur ce sujet qu’elles ont lancé une campagne baptisée « Plus fort avec le lait maternel uniquement » à l’occasion de la semaine mondiale de l’allaitement maternel, du 1er au 7 août. Pilotée conjointement par l’Unicef, l’OMS et Alive & Thrive (une initiative mondiale en faveur de la nutrition), cette campagne met en avant les vertus d’un allaitement à la demande, jour et nuit, sans complément d’eau ni d’autres liquides ou aliments, même dans les climats chauds et secs comme en Afrique de l’Ouest.

Réduire les risques de cancer

« Le lait maternel est constitué à 88 % d’eau. Il contient tous les nutriments et anticorps indispensables à la santé et au développement du nourrisson », rappelle Adelheid Onyango, conseillère en nutrition au bureau régional de l’OMS pour l’Afrique. Elle ajoute que strictement appliquée, une mise au sein précoce et exclusive permettrait d’éviter un tiers des infections respiratoires, la moitié des épisodes diarrhéiques et éloignerait même les risques d’obésité et d’hypertension artérielle plus tard durant la vie adulte. Sans compter qu’une « alimentation saine doublée d’une stimulation adéquate et des soins adaptés sont essentiels pour développer le cerveau des bébés au cours des 1 000 premiers jours de vie », rappelle Anne-Sophie Le Dain, spécialiste en nutrition au bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre de l’Unicef, et très investie sur le sujet. Et contrairement aux idées reçues, la mère en tire elle aussi des bénéfices, puisque l’allaitement accélère sa récupération après l’accouchement et réduit ses risques de cancers du sein ou de l’utérus.

Même si l’allaitement a toujours occupé une place privilégiée dans l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant en Afrique, sa pratique est jugée encore bien trop confidentielle. Aujourd’hui, seuls quatre nouveau-nés sur dix sont mis au sein dans l’heure suivant la naissance et seuls trois bébés sur dix sont exclusivement nourris de cet aliment jusqu’à l’âge de 6 mois. C’est trop peu.

Bien souvent, « les maternités sont trop étroites pour recevoir plusieurs parturientes en même temps et le nombre important d’accouchements empêche de proposer l’allaitement dès les premières minutes de vie du nouveau-né », explique Marie-Thérèse Arcens Somé, sociologue de la santé et autrice d’une étude sur « le défi de l’adoption de l’allaitement maternel exclusif au Burkina Faso », publiée en février dans la revue Santé publique. Pour elle, « l’attention des sages-femmes se concentre sur les gestes techniques et très peu sur les informations à transmettre et à faire appliquer pour la survie du bébé ».

Les jeunes mères repartent donc à la maison sans avoir été guidées sur l’importance du geste nourricier en termes de santé et de développement de leur enfant. Et sans qu’on leur ait montré les bons gestes. C’est d’autant plus dommage que, comme le rappellent les spécialistes, allaiter n’a rien de « naturel ». C’est un geste qui s’apprend.

Le lobbying des laitiers

Parmi les autres facteurs qui empêchent l’allaitement exclusif de s’imposer dans les habitudes des mères, la chercheuse mentionne certaines pratiques sociales et culturelles, comme les rites traditionnels consistant à administrer au nouveau-né des décoctions et des onguents. Une tradition qui s’observe dans les 24 pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale et qui peut être partiellement tenue pour responsable de la malnutrition aiguë sévère dont souffrent quelque 4,9 millions d’enfants de ces régions.

A cela s’ajoutent les messages véhiculés par les fabricants de lait en poudre. Ces derniers, qui ont compris que l’Afrique était une terre prometteuse à l’heure où les prévisions démographiques parient sur un doublement de la population d’ici à 2050, font entendre leur voix sur un marché qui représentait déjà quelque 71 milliards de dollars en 2019 (environ 63 milliards d’euros), selon l’ONG Action contre la faim. Or tous les spécialistes le répètent depuis les années 1960 : les substituts au lait maternel constituent un des obstacles majeurs à l’élargissement de l’allaitement sur le continent.

Ces messages en faveur du lait en poudre, qui s’appuient sur des références à une certaine « modernité », sont d’autant plus néfastes que mettre le bébé au sein reste « un moyen parmi les plus efficaces de préserver sa santé, sa croissance et aussi d’assurer le développement de son pays », estime Aita Cissé, d’Alive and Thrive. Pour elle, l’allaitement ne représente pas qu’un enjeu de santé publique, c’est aussi « une urgence pour le développement humain et économique en Afrique subsaharienne ». En effet, si ce mode de nutrition infantile se généralisait, il générerait un gain économique de 42 milliards de dollars par an grâce notamment à la réduction des dépenses de santé, estime la spécialiste. Anne-Sophie Le Dain rappelle, elle, que « chaque dollar investi dans le soutien à l’allaitement génère des retours économiques de 35 dollars américains ». Un des investissements les plus rentables, donc. D’autant que la responsable nutrition de l’Unicef qui s’est aussi intéressée au coût généré par le manque d’allaitement en Afrique subsaharienne, observe que la perte économique subie aujourd’hui à cause de la faiblesse de cette pratique est de 2,57% du revenu national brut de la zone.

La conscience des bienfaits multiples de l’allaitement commence à se répandre et, en dépit du marketing offensif des laitiers, des avancées notables se font jour. Selon le dernier rapport mondial sur la nutrition, publié en mai, onze pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale sont en bonne voie pour atteindre le taux de 50 % d’allaitement exclusif que se sont fixé les Nations unies pour l’horizon 2025. Le Burkina Faso, le Cameroun, la Mauritanie et la République démocratique du Congo (RDC) en font partie, même s’il leur reste de nombreux autres défis à relever pour que tous les nouveau-nés aient un bon départ dans la vie.

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Cette série a été réalisée en partenariat avec le Fonds français Muskoka.

Série « Donner le sein, sauver des vies » avec Le Monde Afrique

Série « Donner le sein, sauver des vies » avec Le Monde Afrique

L’allaitement maternel exclusif, une priorité de santé publique en Afrique

Selon l’OMS et l’Unicef, allaiter à la demande, jour et nuit, sans complément d’eau ni d’autres aliments, permettrait d’endiguer la mortalité néonatale et infantile.

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Allaiter les bébés… geste salvateur. A l’heure où 5 millions d’enfants africains meurent chaque année avant leurs 5 ans, une campagne baptisée « Plus fort avec le lait maternel uniquement » se déroule tout au long de cette semaine mondiale de l’allaitement maternel, du 1er au 7 août. Pilotée conjointement par l’Unicef, l’OMS et Alive & Thrive (une initiative mondiale en faveur de la nutrition), cette campagne met en avant les vertus d’un allaitement à la demande, jour et nuit, sans complément d’eau ni d’autres liquides ou aliments, même dans les climats chauds et secs comme en Afrique de l’Ouest.

En collaboration avec le Fonds français Muskoka, Le Monde Afrique raconte dans une série de reportages, en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, les freins au développement de cette pratique. Manque d’informations des mères burkinabées, difficultés à conjuguer travail et allaitement intégral à Dakar, crainte de voir ses seins s’affaisser pour certaines mamans camerounaises… Les raisons sont multiples.