Cercle de Sikasso : les bénéficiaires apprécient les actions du Fonds Muskoka et de l’ONG Iamaneh-Mali

Cercle de Sikasso : les bénéficiaires apprécient les actions du Fonds Muskoka et de l’ONG Iamaneh-Mali

« L’impact de ces interventions est plus que visible de nos jours. Que ce soit pour le renforcement des capacités ou la mise en place des équipements médicaux », a déclaré le préfet du Cercle de Sikasso, qui a souligné que le Fonds Français Muskoka (FFM) a permis d’améliorer sensiblement les indicateurs de santé de la région. Il a saisi l’opportunité pour inviter le FFM à pérenniser ses interventions pour le bonheur de la population du Kénédougou.

 

La troisième étape du voyage de presse sur les réalisations du Fonds français Muskoka (FFM) et de l’ONG-IAMANEH-Mali organisée par la direction régionale de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille (DRPFEF) de la 3è Région, a concerné le Cercle de Sikasso. Cette mission a été organisée en partenariat avec la direction régionale de la santé (DRS) et celle du développement social et de l’économie solidaire (DRDS-ES).
À Sikasso, les autorités régionales ont salué les réalisations du Fonds français Muskoka (FFM) dans le domaine socio sanitaire. Aux dires du préfet du Cercle, Mamadou Seydou Diarra, ce Fonds intervient dans son cercle depuis 2017. Ses activités sont particulièrement focalisées sur l’amélioration de la santé maternelle, infantile et néonatale, la planification familiale (PF), la santé sexuelle et la reproduction des jeunes et adolescents, la malnutrition aigüe et la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG).

Pour le médecin chef du CSREF de Sikasso, Dr Aminata Goïta, dans l’ensemble du district sanitaire de Sikasso, 8 centres (CSCOM et CSREF) ont été privilégiés à telle enseigne qu’on les appelle les centres du FFM.

Les activités comme la formation des agents de santé en soins obstétricaux néonataux d’urgence (SONU), la formation en santé sexuelle des adolescents et jeunes, la formation en réanimation des nouveau-nés, la formation sur l’éclampsie et la pré éclampsie, les suivis post formation ont été réalisés à travers ces centres. « En plus de ces formations, il y a eu la mise en place de l’école des mères et des dotations en matériels d’accouchement, de réanimation et de l’éclampsie », a précisé le médecin chef, avant d’ajouter que les impacts ont été l’amélioration du taux de fréquentation de la consultation prénatale (CPN 1) des femmes enceintes (de 64 à 80%).

Toujours, en termes de réalisations, le Dr Aminata Goïta a également évoqué les activités de sensibilisation des leaders politico-administratifs sur la santé sexuelle des jeunes et adolescents, la formation des jeunes dans des établissements et la projection des cinémas numériques ambulants sur la CPN, la vaccination, l’accouchement et la PF.

En décembre 2019, le CSREF de Sikasso, à travers l’ONG-IAMANEH-MALI, a consulté 24 femmes de Kolondiéba. Toutes ces femmes souffraient de prolapsus génital, un problème causé par les grossesses difficiles et multiples, l’utérus descendant de son siège. C’est le gynécologue, Dr Yacouba Dembélé qui a consulté ces femmes. Il a indiqué que sur les 24 femmes pré-diagnostiquées au prolapsus génital, 19 étaient opérables et les autres souffraient d’autres problèmes gynécologiques. « Nous avons opéré avec succès les 19 femmes », a souligné le Dr Dembélé, poursuivant qu’au retour de ces femmes, les médecins du Centre de santé de Kolondiéba ont confirmé que l’évolution était favorable. Par ailleurs, le gynécologue a révélé que les 5 autres malades ont bénéficié des prises en charge avec des ordonnances médicales et des conseils.

Au cours d’une conférence de presse, les trois directeurs notamment la directrice régionale de la PFEF Mme Keïta Fatoumata Samaké, le directeur régional de la santé Dr Dramane Traoré et celui du développement social et de l’économie solidaire Mamadou Mama Dioni ont témoigné de la pertinence du FFM dans la 3è Région. Selon eux, le choix de Sikasso n’est pas fortuit car, la région est l’une des plus peuplées du Mali avec 3,6 millions d’habitants en 2020. Elle compte 10 districts sanitaires et 255 CSCOM. C’est une région enclavée à l’intérieur, l’accès des districts sanitaires est difficile pour les populations. C’est ce qui justifie le taux élevé de mortalité infantile et néonatale. Ces responsables ont souligné que l’intervention du FFM est la bienvenue car, elle permet de réduire la mortalité maternelle, néonatale et infantile.

Auparavant, la mission avait visité le CSCOM de Tiagala (village situé à une trentaine de kilomètres de Niena). Ici, le directeur technique du centre, Issouf Bengaly, la sage-femme Mariam Coulibaly et un bon nombre de populations ont suivi la projection du cinéma numérique ambulant. Ils ont non seulement témoigné de l’importance de ces projections mais sollicité la pérennisation de cette initiative.

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Bamada.net

Le Fonds Français Muskoka, partenaire des Débats du Monde Afrique du 5 mai 2020

Le Fonds Français Muskoka, partenaire des Débats du Monde Afrique du 5 mai 2020

« AFRIQUE, LE JOUR D’APRÈS », LA SESSION DE WEB-DÉBAT DU « MONDE AFRIQUE » AVEC LE FONDS FRANCAIS MUSKOKA

Se soigner, militer, penser le continent de demain et agir avec les nouvelles technologies sans les subir, la rédaction invite ses lecteurs à réfléchir l’avenir.

Et si on parlait du jour d’après ? Ce jour où l’Afrique sera sortie d’affaire, guérie de son Covid-19 et à nouveau en train d’inventer demain ? On n’y est pas encore, mais écouter ceux qui le préparent nous aidera tous à voir plus loin. Car, au lendemain de la pandémie, une autre Afrique se construira. Inévitablement. Résilientes, les sociétés africaines, plus que notre vieille Europe, savent tourner les pages douloureuses pour rebondir sans attendre.

D’autant que ses sociétés civiles portent déjà en elles des changements qu’elles attendaient l’occasion d’implémenter. Elles qui œuvrent à bas bruit depuis des années, sont prêtes à dessiner une Afrique différente, plus à l’écoute de ses territoires et des autres ; plus solidaire et fière d’elle-même. Avant l’épisode du Covid-19, déjà, des voix voulaient un changement de modèle pour aller vers des lendemains plus durables, plus constructifs.

Cette série de quatre web-débats veut leur servir de porte-voix. Donner un micro aux idées, solutions et chemins que dessinent les penseurs et les militants du continent. Des discussions qui s’inscrivent dans la ligne des Débats du Monde Afrique, proposés plusieurs fois par an, à Paris et sur le continent africain. Cette fois l’association Res Publica et le Fonds Français Muskoka seront nos partenaires pour pousser plus avant la réflexion.

De l’idée à l’action

Actualité oblige, le premier débat portera sur la santé. Intitulé « La santé d’abord ! », nourri par l’expérience de l’actuelle pandémie, il permettra de réfléchir à la place de ce secteur crucial pour les citoyens du XXIe siècle sur un continent qui a trop tergiversé avec la santé de son 1,2 milliard d’habitants.

Intitulé « Penser plus loin avec les artistes », le second rendez-vous s’arrêtera sur les modèles de sociétés qu’ils portent en germe. Même s’il n’endosse pas officiellement ce rôle, l’artiste est le premier architecte de l’Afrique de demain, celui qui pense le continent plus loin et avec lui nous explorerons ces constructions.

Reste à savoir quelle stratégie adopter pour faire avancer le monde. « Dénoncer ou agir ? » sera le thème de la troisième web-discussion. Un débat centré sur le passage de l’idée à l’action avec une question centrale : faut-il intégrer les systèmes politiques pour faire changer les choses de l’intérieur ou y réfléchir de l’extérieur sans « se salir les mains » ?

Et puis, un dernier rendez-vous se penchera sur la technologie. « La tech, pour le meilleur ou pour le pire ? ». L’épreuve du Covid-19 l’a montré : Internet est un allié et Internet est un ennemi. Un levier pour la prévention comme un moyen de surveiller les populations. Internet permet de battre le rappel et de fédérer les forces bien plus vite et de façon massive, mais c’est aussi le moyen de surveiller les masses et de mettre à mal les libertés individuelles. Alors nous nous demanderons ensemble comment naviguer dans ce monde-là.

Grâce au partenariat avec Res Publica et le Fonds français Muskoka, ces quatre conférences du Monde Afrique sont gratuites et accessibles sur inscription en cliquant ici.


Le Monde Afrique

Plongée dans le quotidien de l’unique gynécologue, employé par le FFM dans le Kanem Tchadien

Plongée dans le quotidien de l’unique gynécologue, employé par le FFM dans le Kanem Tchadien

« Ici, on ne voit que des catastrophes » : zoom sur l’hôpital de Mao, dans le Kanem tchadien

Plongée dans le quotidien de Luc Joseph Baradandikanya, seul gynécologue de la province, qui compte 500 000 habitants.

Un père porte à bout de bras le corps minuscule d’un nouveau-né. Enveloppé dans un pagne, le petit cadavre est porté hors de l’hôpital. « C’était trop tard pour le bébé », souffle celui que, au cœur du désert tchadien, on appelle « le docteur des femmes ». Et s’il vient de sauver la mère, cette fois, ça a été in extremis.

A l’hôpital de Mao, dans la province du Kanem, au Tchad, Luc Joseph Baradandikanya est le seul gynécologue à officier sur une zone qui compte 500 000 habitants. Ce jour de janvier, il s’est glissé dans la salle d’accouchement en urgence quand une sage-femme, blouse rose et gants de latex prêts à être enfilés, l’a prévenu à l’oreille de l’arrivée d’un « cas grave ». La femme avait fait plus de deux heures de route pour rejoindre la maternité alors qu’elle était déjà en plein travail et que l’accouchement se présentait mal.

« Ici, on ne voit que des catastrophes », soupire le médecin, la blouse blanche impeccable. Dans sa salle d’accouchement comme au bloc opératoire, l’urgentiste ne traite quasiment que des grossesses avec complications. Césariennes, ruptures utérines ou hémorragies sont son lot quotidien. Près d’une dizaine de patientes lui sont d’ailleurs chaque jour envoyées par les centaines de centres de santé de la région trop sous-équipés en matériel comme en personnel pour opérer les futures mamans.

« Un sens à ma vie »

Smartphone dans une main et tasse de café dans l’autre, le médecin n’arrête jamais. Mais en dépit du rythme, jamais ces contraintes permanentes n’ont ébranlé sa passion. Même après des dizaines d’années d’exercice en Afrique : « Dans notre contexte, les femmes et les enfants souffrent beaucoup. Les aider donne un sens à ma vie », lâche-t-il en toute simplicité.

Deuxième d’une famille de six enfants, Luc Joseph Baradandikanya a grandi au Burundi avant de devoir fuir au Burkina Faso, en 1993, lorsque éclate la guerre civile dans son pays. C’est à Ougadougou qu’il débute des études de médecine et se spécialise dans les interventions obstétricales d’urgence. « Lorsque ma mère a accouché de mon frère il y a quelques années, elle m’avait dit qu’il fallait absolument un gynécologue dans la famille », explique celui qui enchaîne ensuite les stages en Côte d’Ivoire, au Togo et en France. Diplôme en poche, il rentre au Burkina faire ses premières armes dans une petite ville de l’est du pays et se souvient, un brin nostalgique, des nuits où il « sortait avec une lampe-tempête pour éclairer les patientes et des bottes pour se protéger des serpents ». Et si le contexte diffère un peu aujourd’hui, au Tchad aussi l’urgence continue de dicter ses journées.

Depuis juillet 2019, le praticien est employé comme gynécologue par le Fonds français Muskoka, et se bat pour relever chaque jour « de nouveaux challenges ». Car, dans le Kanem, les défis sont multiples. Avec 980 décès pour 100 000 parturientes et 139 bébés sur 1 000 qui ne parviennent pas à leur premier anniversaire, selon les données de l’Unicef, le Tchad détient le triste record de la mortalité maternelle et infantile.

Des chiffres que Luc Joseph veut faire mentir, même s’il lui faudra un peu de temps. Le directeur de l’hôpital, Moctar Sergue Kidane, le sait bien, mais il se réjouit des premières avancées, content « d’avoir déjà plus de consultations prénatales et moins de décès », même s’il n’oublie jamais qu’« il reste encore beaucoup de chemin à faire ».

Traditions et pudeur

Pour avancer encore, Luc Joseph Baradandikanya doit alléger le poids des traditions et de la pudeur qui pèse sur les couples. Difficile en effet pour certaines femmes du Kanem, qui viennent avec leur mari, de se laisser ausculter par un homme et d’accepter de bénéficier d’une césarienne par exemple, tant « les femmes opérées se sentent honteuses », explique-t-il. « Mais quand on prend le temps d’en expliquer le bien-fondé, les époux comme les épouses finissent par l’accepter », se félicite le gynécologue, qui redoute seulement les cas où l’intervention doit être urgente.

Juste à côté de sa salle d’accouchement, le praticien a son cabinet. Peinture décrépie et odeur de désinfectant, le lieu ne respire pas le luxe avec sa table d’examen dissimulée derrière un petit drap bleu ciel. Et sur son bureau, dont les pieds d’origine ont laissé place à un empilement de briques dans lequel il se cogne régulièrement les genoux, un imposant dictionnaire de la santé rouge vif et des dossiers médicaux attendent d’être ouverts. Mais ils sont moins essentiels que le contact humain, précise le médecin.

Dans cette région retirée, où continuent de sévir les grossesses adolescentes et les mariages précoces, le gynécologue n’aime pas pointer « les différences culturelles ». Il s’y autorise avec l’étranger de passage, évoquant les complications que subissent « les bassins immatures » et concède avoir vécu comme « un coup dur » le jour où il a dû accoucher une jeune fille de 13 ans.

Cette minisérie a été réalisée avec l’aide du Fonds français Muskoka.

Le Monde Afrique

Au Tchad, les «matrones», relais essentiel vers la médecine moderne

Au Tchad, les «matrones», relais essentiel vers la médecine moderne

Les accoucheuses traditionnelles gardent une forte influence. Peu à peu, elles sont sensibilisées et formées par les sages-femmes.

 

A cette saison, l’harmattan déplace les unes après les autres les dunes du Kanem. Et quand elles sont lasses de battre les sables, les rafales s’engouffrent dans le centre de santé de Kékédina avant d’y mourir au fond du couloir. C’est là que, cachée derrière un voile qui ne découvre que ses yeux, Maïmouna Alizaït attend, avant de pouvoir entraîner une femme enceinte dans le cabinet. Elle pointe son ventre rond, inquiète de ne plus y sentir bouger le bébé.

A 41 ans, Maïmouna est « matrone depuis toujours ». Un rôle d’accoucheuse traditionnelle appris aux côtés de sa mère dès l’adolescence pour « aider les femmes » dans une région longtemps totalement dépourvue de structures sanitaires et de personnel qualifié. Cela fait neuf mois maintenant qu’elle suit de près la grossesse de la femme de son quartier qu’elle accompagne aujourd’hui. Toutes les semaines, elle vérifie son anémie en observant ses muqueuses, les œdèmes en palpant ses pieds et la santé du fœtus en massant son ventre.

Jusqu’à sa dernière visite, ce jour-là, tout allait bien. Mais là, elle a vite amenée la jeune femme, pressentant un problème. Avant, comme elle a pu le faire des centaines de fois par le passé, elle aurait fait l’accouchement coûte que coûte à domicile, « dans des conditions difficiles et propices aux infections ». Mais avec l’arrivée d’une sage-femme et d’équipements médicaux à Kékédina, la donne a changé et elle n’hésite plus à accompagner ses patientes au centre de santé si elle a un doute.

Convaincre les femmes enceintes

Prévenir les grossesses avec complications, c’est le leitmotiv de tous les humanitaires présents dans le Kanem pour qui, comme le rappelle Jean-Luc Kagayo, spécialiste de la santé maternelle et infantile à l’Unicef, « les matrones doivent avoir un rôle d’accompagnante plus que d’accoucheuse ». Car ici tout le monde est persuadé qu’une vraie prise en charge médicale rapide des cas compliqués permettrait de limiter les 980 décès de femmes pour 100 000 naissances que subit la région.

Une analyse que partage Achta Adoum Djibril pour qui « on peut facilement sauver des vies ». Désormais d’ailleurs, la matrone de 54 ans qui ne se sépare plus de son fascicule de grossesse illustré. Rupture utérine, placenta mal placé, bassin immature ou encore hémorragie sont autant de maux qu’elle a découverts avec des centaines d’autres matrones du Kanem lors de formations dispensées par des médecins.

Si les accoucheuses traditionnelles sont convaincues, il leur reste encore à convaincre les femmes enceintes. Et dans cette région isolée du nord du lac Tchad, beaucoup préfèrent encore accoucher à domicile, par pudeur ou par tradition. Comme Kourié Idriss qui a « accouché trois fois à la maison avec la même matrone », et mettra au monde son quatrième enfant ici. Enceinte de neuf mois, elle a d’abord refusé de venir se faire ausculter au centre de santé de Kékédina, mais après les explications et avertissements de son accoucheuse, elle s’y est résolue, craignant pour la vie du bébé dont la tête est mal positionnée.

A côté d’elle, dans la salle d’attente, d’autres femmes acquiescent, ventre plus ou moins bombé, ceinturé d’un voile vif. Toutes sont accompagnées de leur accoucheuse traditionnelles, guide essentielle pour franchir la frontière de ce monde inconnu où « on ne connaît pas la sage-femme, ni ce qu’elle peut nous faire », chuchote une future maman.

Mère au foyer de la ville, devenue l’unique sage-femme formée de Kékédina, Christiane Gomo reconnaît que « sans l’aide des matrones, aucune femme ne viendrait accoucher au centre de santé ». La praticienne sait l’importance de la présence de ces « aînées » pour mettre le patiente à l’aise pendant l’examen gynécologique comme en salle d’accouchement.

« C’est souvent trop tard »

Si le centre fonctionne bien, il ne concerne toujours qu’une minorité de femmes enceintes. Dans le district de Kékédina, elles sont encore moins de 15 % à venir accoucher là, car « les matrones conservent le monopole de l’accouchement », selon Bellangar Ngarioumn, chef de zone de santé. Le manque de personnel qualifié additionné aux préjugés négatifs sur le milieu médical et à la pauvreté ambiante expliquent ce pourcentage. D’autant que « l’aide à la naissance reste la seule source de revenus pour ces vieilles femmes, remerciées par leurs patientes avec du beurre, de l’huile de vache ou encore du savon », ajoute le spécialiste.

Reste que les accouchements à domicile tournent parfois à la catastrophe. Démunies, les « matrones » arrivent alors en urgence au centre de santé avec des patientes en plein travail et à bout de force. « C’est souvent trop tard », regrette Bellangar Ngarioum, car les cas les plus difficiles doivent alors être orientés vers l’hôpital de Mao, à plus de deux heures de pistes sablonneuses.

Deux matrones montrent le dictionnaire illustré qu’elle ont obtenu en formation, au centre de santé de Kékédina, dans l’ouest tchadien, le 29 janvier 2020.

Et puis souvent là-bas, la maternité affiche complet, comme ce jour de janvier. Là, une femme qui saigne depuis plusieurs jours après un accouchement à la maison vient juste d’y être admise, sévèrement anémiée, pronostic vital engagé. Félicité Kilégé Sam Sam, la sage-femme, la perfuse en déplorant l’« épisiotomie faite à la lame de rasoir puis l’infection qui a suivi ». Recouverte d’une couverture et les yeux dans le vague, la patiente se laisse masser le bas-ventre par sa matrone. Des gestes guidés cette fois-ci par la sage-femme, car pour faire « changer les mentalités et sauver nos sœursla sensibilisation doit être continue ». Un long chemin.

 

Cette minisérie a été réalisée avec l’aide du Fonds français Muskoka.

Le Monde Afrique
Au Tchad, accoucher dans le Kanem, c’est risquer sa vie

Au Tchad, accoucher dans le Kanem, c’est risquer sa vie

Sur ce territoire aride, les centres de santé sont trop peu nombreux et les résistances à faire appel à une sage-femme, encore fortes.

 

Dans le couloir de l’hôpital de Mao, la vie s’accélère tout à coup. Sur un brancard, un corps rachitique caché par un voile sombre s’engouffre dans le bloc opératoire. Rupture utérine… Zara Abdoulaye peut mourir d’un instant à l’autre. A cet instant, les chances de la ranimer sont faibles.

La cousine de la patiente, accoucheuse traditionnelle du village, attend dans l’angoisse. C’est elle qui l’a accompagnée ici quand elle a compris que le bébé ne pourrait pas naître seul ; elle qui a appelé l’ambulance et est restée à ses côtés les quatre heures de piste de sable. C’est elle aussi qui avait organisé un accouchement traditionnel pour Zara Abdoulaye à la maison.

Avec ses 68 lits et sa pharmacie, l’hôpital de Mao vit au rythme des urgences. C’est la seule infrastructure à prendre en charge les cas obstétricaux compliqués dans le Kanem, une province désertique de plus de 500 000 habitants au nord du lac Tchad. Tous les centres de santé de la région, sous-équipés, envoient là leurs patientes en détresse. Mais comme Moctar Sergue Kidane, le directeur, ne dispose que de deux ambulances, il les réserve aux urgences vitales, en dépit des cinq demandes qu’il reçoit en moyenne chaque jour.

« Défi immense »

A peine Zara est-elle au bloc, que la cour de l’hôpital bruisse d’une nouvelle arrivée. Cette fois la femme vient du centre de santé de Nokou, à plus de trois heures. Quelques jours après avoir donné naissance à des jumeaux, elle continue à perdre beaucoup de sang et titube même désormais. « Hémorragie post-partum », diagnostique Bandal Djimet Aoudo, le chef du département clinique et l’un des deux médecins à pouvoir opérer. « Soit on décide de laisser la patiente se vider de son sang, soit on tente l’opération avec le risque d’une perte de sang plus importante encore », poursuit-il. A Mao, en effet, pas question de transfusion. La banque de sang est vide au fond d’un bâtiment, la poussière et le sable recouvrant les équipements, faute d’électricité pour la faire fonctionner.

« L’Etat a tout de même beaucoup fait en termes de structures sanitaires », tente de justifier Adoum Mahamat Nour, délégué sanitaire régional du ministère de la santé, qui dit désormais « compter sur les partenaires, car il le sait bien, le défi reste immense dans le Kanem. En fait, la crise économique qui frappe le pays depuis la brusque chute des cours du prix du pétrole en 2014 a réduit le budget de l’Etat au point que, selon le rapport de l’ONG Amnesty International « Budgets en chute, répression en hausse » publié en juillet 2018, l’argent consacré à la santé dans le pays a diminué de plus de 50 % entre 2013 et 2017.

En plus du faible nombre de structures de santé sur un vaste territoire, le Kanem manque aussi cruellement de personnel médical à y affecter. Sur les 180 centres de santé de la province, moins de la moitié est dirigée par un personnel médical formé, selon les autorités locales. « Dans certains coins reculés, les habitants sont même obligés de recruter des infirmiers et sages-femmes parmi la population du village », ajoute Jean-Luc Kagayo, spécialiste de la santé infantile et maternelle à l’Unicef. Alors, devant l’urgence des besoins, son agence a changé de stratégie et les humanitaires forment désormais le personnel déjà actif dans les centres de santé, qu’ils soient ou non diplômés.

Sage-femme à moto

C’est le cas de Christiane Gomo, sage-femme à Kékédina depuis un an. Cette mère au foyer de 34 ans est désormais fière de porter sa blouse rose, après avoir suivi une formation de trois ans au sein d’associations humanitaires. Depuis janvier, elle a déjà accouché vingt et une femmes, dans sa salle de travail d’une propreté sans pareille. Propre, mais sans équipement. Christiana Gomo n’a pas non plus de table d’examen gynécologique, ni de chaise, ni même de bureau, mais préférerait de loin au matériel ou mobilier qu’une deuxième sage-femme vienne l’épauler.

Car deux fois par semaine Christiane Gomo n’est pas à son poste, mais sillonne les villages à moto, boîtes de médicaments et instruments médicaux calés sous les bras. Dans un pays où une personne sur deux vit sous le seuil de pauvreté, les activités économiques priment trop souvent sur la santé, ce qui explique que certaines ne se déplacent que lorsque leur pronostic vital ou celui de leur bébé est vraiment engagé. En croisant les doigts qu’une ambulance soit libre.

 

Cette minisérie a été réalisée avec l’aide du Fonds français Muskoka.

Le Monde Afrique
Minisérie « Naître au milieu du désert tchadien » par Le Monde Afrique et le FFM

Minisérie « Naître au milieu du désert tchadien » par Le Monde Afrique et le FFM

Le Kanem, aride territoire de 70 000 km2 de l’ouest tchadien, est sous-équipé en structures de santé. Pour les femmes, y accéder est une question de survie.

Le Kanem, ce sont d’abord des images mythiques de soldats enturbannés bravant le vent de sable et les dunes. C’est là, en effet, aux abords du Lac Tchad, en lisière du Niger, que l’un des plus puissants royaumes du continent africain a trouvé à s’épanouir au XIIIe siècle, avant de se dissoudre au fil du temps.

Aujourd’hui, cette zone où les dunes se suivent et se ressemblent est devenue un rempart contre le terrorisme qui prend ses aises dans la large bande sahélienne. Par son environnement hostile et sa culture d’un islam modéré, le lieu fait en effet barrage aux assaillants de la secte de Boko Haram qui multiplient les attaques autour du lac Tchad depuis 2015.

Et même si Hassan Terap, le gouverneur de la province, se réjouit que « la situation est calme », la vie des 500 000 habitants du Kanem est aussi aride que la succession de dunes qui composent cette province tchadienne de plus de 70 000 kilomètres carrés. A Mao, ville principale, comme dans les villages, tous les indicateurs de développement sont au rouge.

Seuil d’alerte largement dépassé

Dans cette région, plus d’une personne sur deux est en insécurité alimentaire, et le taux de malnutrition aiguë sévère dépasse largement le seuil d’alerte fixé par les organisations humanitaires. Même si la première école du Tchad avait ouvert à Mao, en 1911, aujourd’hui un enfant sur deux est déscolarisé en raison du manque d’établissements et d’enseignants, selon les agences onusiennes. Dans le domaine de la santé, l’insuffisance de centres couplée à l’absence de moyens de transport rendent l’accès aux soins très difficiles.

Restent les cheptels. L’une des richesses de ce lieu. Un atout sur lequel le Kanem veut miser puisque le gouvernement compte sur le pastoralisme, principale source de revenu de la zone, pour redresser l’économie du pays, touchée par une grave crise depuis la brusque chute des cours du prix du pétrole amorcée en 2014.

Le Monde Afrique vous emmène, au fil d’une minisérie de trois reportages, découvrir la condition des femmes qui vivent dans cette aire déshéritée, où « matrones », sages-femmes et médecins parviennent à faire bouger les mentalités.

Cette minisérie a été réalisée avec l’aide du Fonds français Muskoka.

Le Monde Afrique

A l’hôpital Roi-Baudoin de Guédiawaye, priorité aux nouveau-nés en détresse

A l’hôpital Roi-Baudoin de Guédiawaye, priorité aux nouveau-nés en détresse

Le Monde Afrique

L’Afrique au défi de la santé infantile (7). L’accès aux services de néonatalogie est un enjeu de santé publique au Sénégal. Les structures de santé doivent composer entre explosion des besoins et manque de moyens.

 

Même en additionnant leurs deux poids, les jumeaux de Fatoumata Ka pesaient bien moins de 3 kg, le poids moyen d’un nouveau-né arrivé à terme. C’était il y a vingt-deux jours. Aujourd’hui, cette jeune maman de 22 ans attend devant la porte du service de néonatalogie de l’hôpital Roi-Baudoin que les infirmières lui fassent signe. Venir allaiter son fils et sa fille, nés avec deux mois d’avance, est un moment de communion précieux. En attendant, prostrée sur son banc, la jeune Sénégalaise n’a pas tout à fait oublié l’accouchement très prématuré qui lui a donné deux bébés si chétifs encore, même après trois semaines de vie.

Dans la couveuse, où ils se débattent avec les tuyaux de leurs perfusions, aucun des deux n’a encore de prénom. Pas plus d’ailleurs que les quatre autres bébés du service de néonatalogie de l’hôpital de Guédiawaye, à une heure de Dakar. « Les parents ne veulent pas leur porter malchance en les prénommant trop vite », raconte Jean-Baptiste Diouf, pédiatre et chef du service de néonatalogie. Pourtant, à l’hôpital Roi-Baudoin, les raisons d’espérer sont nombreuses tant le lieu fait figure de référence. En dix ans, le petit centre de santé à l’allure sinistre hier s’est mué en un hôpital moderne où les patients se promènent volontiers dans les allées fleuries qui mènent aux différents services.

Chute de la mortalité infantile

« Pratiquement toutes les femmes du département viennent accoucher ici. Et d’autres arrivent aussi de plus loin car les centres de santé voisins nous envoient beaucoup de patientes », explique Ramata Danfakha Ba, à la tête depuis quatre ans de ce centre hospitalier dont la maternité assure 4 500 accouchements annuels. Rétrospectivement, Fatoumata Ka aurait aimé donner naissance à ses bébés ici plutôt qu’à l’hôpital de Tivaouane, à 90 km. Quel souvenir que ce moment où elle a dû quitter sa maternité pour chercher elle-même un lieu capable d’offrir une assistance à ses tout-petits. Après « cinq heures sur la route », un double rejet de l’hôpital de Thiès et de celui de Diamniadio qui, faute de place, ont refusé d’accueillir ses jumeaux prématurés, l’hôpital de Tivaouane lui a enfin trouvé une place à Roi-Baudoin.

La renommée de l’hôpital tient en grande partie à la mise en place de son service de néonatalogie. Avec ses dix lits, l’unité de soins d’urgence dédiée aux nouveau-nés a changé la physionomie de tout le service de pédiatrie. Avant, celui-ci ne disposait que de quatorze places pour accueillir les patients de 0 à 15 ans, « nous étions obligés d’évacuer les bébés qui naissaient avec des pathologies graves vers d’autres hôpitaux mieux équipés, avec tous les risques que cela comporte. D’autant, que quand l’ambulance n’était pas disponible, on n’avait pas d’autre choix que de les envoyer par taxi. Nous avons perdu beaucoup de nouveau-nés comme ça », se souvient Ramata Danfakha Ba, heureuse d’avoir enfin inauguré en novembre 2018 une néonatologie flambant neuve.

Deux infirmières  et un prématuré né le 21 novembre, à l'unité de néonatalogie de l’hôpital Roi Baudoin à Guédiawaye, au Sénégal.
Deux infirmières et un prématuré né le 21 novembre, à l’unité de néonatalogie de l’hôpital Roi Baudoin à Guédiawaye, au Sénégal. MARIAMA DARAME

Rapidement, depuis l’installation des trois couveuses, de quatre tables de réanimation et de trois berceaux, la mortalité néonatale a considérablement diminué à Roi-Baudoin. En 2016, 57,5 % des décès du service de pédiatrie concernaient des bébés, selon les données de l’hôpital. Aujourd’hui, le taux de mortalité a chuté à 11,8 % et les progrès ne s’arrêtent pas là puisque « les évacuations de nouveau-nés ont baissé ainsi que les refus de prise en charge des grossesses à risques », se félicite M. Diouf. Sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, huit infirmières et deux pédiatres veillent sur ces patients très fragiles. Car, ici, « les premières causes d’hospitalisation en néonatalogie sont les naissances prématurées et le faible poids des bébés », constate-t-il. D’autres pathologies s’y ajoutent comme les infections et les asphyxies néonatales.

« Quand un enfant sort, un autre entre »

Aussi performant soit-il, force est de constater que le dispositif atteint déjà ses limites. En un an, l’unité a accueilli 364 nouveau-nés pour une capacité de dix lits, soit un taux d’occupation de 99 %. « Quand un enfant sort, un autre entre », observe le chef de la néonatalogie, conscient que « le manque de places pose déjà problème ». Et cette prise en charge néonatale a des répercutions en pédiatrie générale, car elle encourage les mères à poursuivre le suivi médical de leur nourrisson, ce qui n’était pas le cas auparavant. Au point qu’« il y a aussi une vraie augmentation des consultations et des vaccinations », observe le praticien. Rien que pour le mois d’octobre, les deux pédiatres du service, épaulés par deux internes, ont effectué 1 150 consultations. Dans la cour, la salle d’attente avec ses deux longues rangées de bancs ne désemplit pas.

Alors, pour renforcer ses compétences en néonatologie, l’hôpital attend l’ouverture imminente d’une unité « kangourou », permettant aux mamans d’éviter les couveuses en gardant près d’elles leur bébé prématuré. Une autre réponse à la demande en soins néonatals, plus naturelle et moins médicalisée. Si M. Diouf y voit une façon de « permettre une meilleure rotation des patientes », Mariama Ndiaye, cheffe infirmière, préfère considérer que c’est d’abord une solution plus adaptée aux mères : « Cela va les rassurer parce qu’elles pourront rester avec leur enfant. » La formule est aussi moins onéreuse que des journées en couveuse. Ce qui en fait un argument de plus pour la directrice du lieu.

Pugnacité et charisme

« On aurait pu dire que la priorité était ailleurs : augmenter les salaires ou acheter des médicaments pour les autres services. Mais je tenais à cette unité de néonatalogie », raconte fièrement Ramata Danfakha Ba sans qui le projet n’aurait jamais vu le jour. Reconnue pour sa pugnacité et son charisme, la directrice a su ouvrir les bonnes portes pour financer le projet. Elle a d’ailleurs été récompensée en 2015 du prix de « géante invisible » par la Fondation allemande Heinrich-Böll qui distingue les personnalités les plus engagées dans leur pays.

L’hôpital Roi-Baudouin, qui ne bénéficie quasiment pas de subventions de l’Etat sénégalais du fait de son statut d’hôpital de niveau 1, fonctionne sur ses recettes. Au Sénégal, seuls les hôpitaux régionaux de niveau 2 et de Dakar de niveau 3 sont subventionnés, ce qui marginalise les structures de santé plus petites. Forte de ce constat, Mme Ba s’est adressée au Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) qui a offert 91 000 dollars (81 728 euros) pour la réhabilitation, l’équipement des locaux et la formation du personnel.

Officiellement, le gouvernement sénégalais affiche sa volonté d’améliorer les soins obstétricaux et néonatals d’urgence (SONU) pour faire tomber une mortalité infantile qui a augmenté de 19 à 28 pour 1 000 entre 2014 et 2017.

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En Côte d’Ivoire, on privilégie l’allaitement maternel exclusif

En Côte d’Ivoire, on privilégie l’allaitement maternel exclusif

Le Monde Afrique

L’Afrique au défi de la santé infantile (6). A l’unité de soins « mère kangourou » du CHU de Treichville à Abidjan, les mamans sont incitées à nourrir leur bébé uniquement au sein.

 

Trois prénoms assez fort pour faire fuir la mort. Quand Lord Miracle Stella est née le 9 octobre après seulement six mois et demi de grossesse, elle ne pesait que 800 grammes. D’une fragilité extrême, la petite fille a « enchaîné les complications », comme le résume pudiquement Josée Don, sa jeune maman. Mais, désormais, la mort ne rôde plus autour du bébé et la petite a adopté une courbe de croissance qui fait oublier sa naissance à hauts risques.

Parmi les « remèdes », Josée Don s’est pliée à une règle assez contrintuitive en ne donnant jamais d’eau à son bébé. « Elle ne boit que mon lait maternel… Et ça marche. Elle a déjà pris un kilo », observe la maman, bébé au sein. Cette professeure de mathématiques désormais mère de trois enfants ne regrette pas de s’être laissée convaincre par la théorie du « 100 % allaitement maternel et rien d’autre », défendue à l’unité de soins « mère kangourou » du CHU de Treichville à Abidjan.

A priori, en Côte d’Ivoire, tous les bébés semblent nourris au sein. Dans les transports, les lieux publics et même au travail, les mères les portent contre elles et leur donnent volontiers le sein. « Si 90 % des mamans allaitent, bien peu pratiquent l’allaitement exclusif », souligne Awa Yao Diallo, présidente des sages-femmes ivoiriennes, farouche militante de l’allaitement exclusif.

« Une règle de base pour toutes les mamans »

« En fait, les mères ont tendance à vouloir désaltérer le bébé, lui donner quelques gouttes d’eau quand elles-mêmes ont soif ou des tisanes pour soulager et donner des forces. Mais ce n’est pas ce dont l’enfant a besoin », précise-t-elle à chaque occasion. « Le lait maternel exclusif devrait être une règle de base pour toutes les mamans », ajoute Blandine Alali, infirmière à l’unité du CHU depuis quelques mois. Pourtant, en Afrique de l’Ouest et du centre, seuls trois nourrissons de moins de six mois sur dix en bénéficient.

Ces mauvaises pratiques contribuent évidemment à la malnutrition. Elles sont vecteurs de maladies comme les diarrhées ou les infections respiratoires et accentuent le risque de décès, jusqu’à trois fois plus élevé que parmi les bébés nourris exclusivement au sein. « Malgré une croissance économique positive en Afrique de l’Ouest et du centre, le nombre d’enfants de moins de 5 ans qui présentent un retard de croissance est passé de 23 à 29 millions entre 2000 et 2018. Et la région abrite environ 4,9 millions d’enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère », note l’Unicef. L’objectif de l’agence onusienne est que 70 % des bébés soient nourris exclusivement au lait maternel en 2025, contre 50 % aujourd’hui.

Mi-novembre à Abidjan, parallèlement à cette campagne régionale en Afrique de l’Ouest et du centre (Unicef, Banque africaine de développement, Alive and Thrive), l’Etat ivoirien a aussi lancé une caravane de sensibilisation qui va circuler dans tout le pays durant plusieurs mois, pour rappeler ou apprendre aux Ivoiriens cette pratique exclusive, que trop peu pratiquent.

« Je me suis engagée pour témoigner »

« A l’heure actuelle, même les médecins ne sont pas toujours convaincus », s’insurge Noël Zagré, conseiller régional en nutrition pour l’Unicef. « Certains estiment encore qu’avec ce climat, il faut donner de l’eau aux bébés, oubliant que le lait en contient 88 % et que l’estomac du nourrisson est gros comme un grain de raisin », déplore le praticien.

Pour lui, les problèmes sont multiples, allant de « l’eau qui peut-être contaminée », au fait que « le bébé arrête de téter. Et moins il tète, moins sa mère produit de lait ». Sans compter que l’allaitement accélère la récupération après l’accouchement, retarde le retour des règles, ce qui permet d’espacer les naissances et de réduire le risque de cancer du sein et du col de l’utérus.

Clémentine Djollo l’a éprouvé avant de faire de ce sujet l’un des grands combats de sa vie. Cette couturière de 61 ans, mère de cinq enfants, a donné du lait en poudre et de l’eau à ses premiers lorsqu’ils avaient soif. « Ils sont beaucoup tombés malades et m’ont épuisée », se souvient celle qui, en 1993, décide de suivre les recommandations sanitaires de l’Unicef. « Je n’ai rien donné d’autre que mon sein à mon quatrième enfant. Et avec lui, je n’ai eu aucun problème de santé, il s’est toujours très bien porté. Quand j’ai vu la différence, je me suis engagée et suis passée dans les salles d’accouchements, les hôpitaux pour témoigner » que non seulement le lait maternel apporte tous les nutriments dont le nourrisson a besoin mais, en plus, il transmet à l’enfant les anticorps de la mère.

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Au Bénin, un bracelet pour surveiller les bébés en sous-poids

Au Bénin, un bracelet pour surveiller les bébés en sous-poids

Le Monde Afrique

L’Afrique au défi de la santé infantile (2). Le dispositif développé par une firme indienne mesure la température des nouveau-nés et bipe dès qu’elle descend trop.

 

Marimade est une petite fille aux joues rondes et au regard vif. Dans les bras de sa jeune mère, Gisèle, l’enfant sourit. Née le 22 juillet, elle pèse aujourd’hui 4,5 kg. « Mais elle ne faisait que 2,2 kg à la naissance », souligne sa mère, qui vit à Zakpo, un quartier populaire de Bohicon, une ville du Bénin située à une centaine de kilomètres au nord de Cotonou.

Cette bourgade a été choisie en septembre 2018 par l’Unicef pour tester un petit bracelet de la firme indienne Bempu, posé au poignet des nouveau-nés prématurés ou en sous-poids. Tous les nourrissons qui naissent dans la région avec un poids compris entre 1,5 et 2,5 kg en sont équipés. Le bracelet, qui émet en permanence une légère lumière bleue, passe à l’orange et émet un bip lorsque les bébés sont en situation d’hypothermie.

« La baisse de la température corporelle est l’une des principales causes de la mortalité des enfants prématurés, à cause d’un déficit de maturité de certains organes », souligne le docteur Saliou Badarou, de l’Unicef. Lorsque la température des nouveau-nés est inférieure à 36 °C, le bracelet émet un son qui ne s’arrête qu’après qu’elle soit remontée à au moins 36,4 °C. Le bébé conserve le dispositif pendant 28 jours « car c’est la période la plus risquée ».

Le Bénin, petit pays d’Afrique de l’Ouest de 11,5 millions d’habitants, fait face à de nombreux défis en matière de mortalité infantile. En 2016, selon les données de l’Unicef, 38 000 enfants de moins de 5 ans sont morts, dont 12 000 avaient moins d’un mois. Et le pays n’est pas doté d’un nombre suffisant de praticiens, avec seulement 8,3 professionnels de santé qualifiés pour 10 000 habitants. Bohicon ne fait pas exception. La ville, qui enregistre autour de 15 000 naissances chaque année, ne dispose pas d’un seul pédiatre.

« Un outil parmi d’autres »

« Le bracelet est un excellent moyen de réduire la mortalité infantile et il est extrêmement simple à expliquer aux parents », affirme Saliou Badarou. Hermine Adjatan, sage-femme à la maternité de Bohicon, précise : « Lorsqu’un bébé naît en situation de sous-poids, nous lui mettons directement le bracelet et nous apprenons à la mère les gestes à faire, comme la méthode kangourou, qui consiste à mettre le nourrisson peau contre peau avec soi afin de le réchauffer. » Une méthode utilisée par Gisèle : « Le bracelet bipait trois fois par jour et je mettais Marimade sur mon ventre, enveloppée dans une couverture, jusqu’à ce que sa température remonte. Cela prenait en général une heure », dit-elle en fon, la langue la plus parlée au Bénin.

Depuis septembre 2018, environ 350 enfants ont été équipés dans la région de Bohicon. « Nous avons eu deux décès, ce qui est beaucoup moins qu’avant l’utilisation des bracelets, avance Blaise Guezo-Mevo, médecin à la maternité de Bohicon. C’est un dispositif formidable, qui permet de passer la phase critique néonatale, mais ça ne doit pas être une panacée : nous faisons également de la sensibilisation auprès des mères pour promouvoir l’allaitement. Le bracelet n’est qu’un outil parmi d’autres. »

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En Côte d’Ivoire, les bébés prématurés sauvés par la méthode « mère kangourou »

En Côte d’Ivoire, les bébés prématurés sauvés par la méthode « mère kangourou »

Le Monde Afrique

L’Afrique au défi de la santé infantile (1). Pour pallier le manque de couveuses à Abidjan, le CHU de Treichville expérimente avec succès cette technique inspirée de l’animal australien.

 

Sa main va et vient sans trêve, c’est devenu un réflexe. La mère caresse la tête et le dos de son bébé blotti contre sa poitrine. Par ce geste presque mécanique, la jeune femme exprime son amour maternel autant qu’elle exorcise la peur qui l’a envahie ces derniers jours, cette angoisse de perdre sa fille née avec onze semaines d’avance, à un poids critique de 800 grammes. Mais aujourd’hui, elle est bien là, collée à elle. Peau contre peau, elles ne font qu’une. Elles ont été admises il y a plus de dix jours au centre de soins mère kangourou (SMK) du CHU de Treichville, à Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire. Depuis, le bébé a grossi de près de 300 grammes et la jeune femme, déjà mère de deux enfants, a retrouvé le sourire.

Sa vie sauve, le nourrisson la doit à la méthode « mère kangourou », inspirée de l’animal australien et développée par des pédiatres à la fin des années 1970, en Colombie, pour pallier le manque de couveuses et lutter contre la transmission des infections néonatales. Le nourrisson est placé contre la poitrine de sa mère (plus rarement du père), dans une configuration « peau-à-peau », de manière permanente ou par intermittence, afin de créer des conditions idéales de température, d’affection et de repos. Tout ce dont le grand prématuré a besoin pour survivre.

C’est cette méthode qui est pratiquée à Treichville. Et ça fonctionne. Depuis l’ouverture du centre, en mars, sur 90 enfants recueillis en situation critique, 89 ont été sauvés. « C’est un de trop qui est parti », regrette la docteure Somé-Meazieu, médecin responsable de l’unité SMK, qui note toutefois qu’avant la mise en place de la méthode, les bébés de moins de 1 kg mouraient et les moins de 1,5 kg avaient très peu de chances de survivre.

Ici, « tout est gratuit »

A ses yeux, la méthode mère kangourou est une « bénédiction » pour la Côte d’Ivoire, où la mortalité néonatale est une calamité alors même que le pays est l’un des plus prospères d’Afrique de l’Ouest. En Côte d’Ivoire, sur 1 000 naissances vivantes (au-delà de 28 jours de vie), 33 bébés décèdent, selon l’Unicef ; à l’échelle de l’Afrique subsaharienne, ce taux est de 27 pour 1 000. Et la première cause de ce mauvais chiffre est la prématurité.

« En Côte d’Ivoire, un nouveau-né décède toutes les heures pour cause de prématurité parce qu’il n’y a pas assez de couveuses », rappelle le docteur Aholoukpe, spécialiste santé au bureau Unicef de Côte d’Ivoire. A Abidjan, où vivent près de 5 millions d’habitants, on dénombre moins de 50 couveuses dans les hôpitaux publics. Pour les prématurés, une place à l’hôpital public est donc rare. Et dans le privé, elle est chère : « entre 50 000 et 100 000 francs CFA [de 76 à 152 euros] pour une journée en couveuse », selon la docteure Somé-Meazieu, qui ajoute qu’« au centre SMK de Treichville, à part la nourriture que les patientes doivent acheter, tout est gratuit ».

Au-delà de la facilité technique et logistique de sa mise en œuvre, la méthode mère kangourou possède de nombreux avantages. Plusieurs recherches mettent en évidence un développement plus sain des prématurés ayant bénéficié de cette méthode. Grâce au peau-à-peau, le nourrisson dort mieux et ne ressent pas le stress qu’une couveuse peut provoquer. « Recevoir de l’amour en continu durant ses premières semaines de vie le rend plus sociable et serein que les autres enfants », ajoute Mme Somé-Meazieu. L’efficacité de la méthode permet aussi d’écourter l’hospitalisation des mères avec leur prématuré, libérant ainsi de la place pour d’autres patients. Un avantage non négligeable au vu de l’encombrement des hôpitaux publics.

Changer le regard des parents

C’est en 2018 que, sur recommandation du chef de service de pédiatrie médicale du CHU de Treichville et avec l’appui financier de l’Unicef, la docteure Somé-Meazieu et trois autres praticiens sont partis se former à la méthode mère kangourou en Afrique du Sud. A leur retour, ils ont mis en pratique leur apprentissage au sein des deux premiers centres SMK de Côte d’Ivoire, à Treichville et Korhogo, et ont rapidement formé d’autres collègues à cette méthode salvatrice. « C’est une technique simple, économiquement soutenable pour le pays et d’une efficacité redoutable, estime M. Aholoukpe, de l’Unicef. L’objectif est désormais de la propager sur tout le territoire. » Au CHU de Treichville, l’extension prochaine du centre prévoit d’ailleurs une grande salle de formation afin de sensibiliser le personnel de santé de Côte d’Ivoire et des pays voisins.

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D’après les médecins du centre, la méthode mère kangourou a aussi fait changer le regard sur le prématuré. « Historiquement, dans notre société, il y a une forte appréhension vis-à-vis du prématuré », explique Mme Somé-Meazieu, qui peut citer d’innombrables histoires de parents ne portant pas d’amour à leur enfant né trop tôt. Comme ce père qui a fait un bond en arrière et s’est dit « dégoûté » à la vue de son bébé qui, à ses yeux, « ne ressemblait pas à un être humain ». Ou comme ces mères qui ne croient pas aux chances de survie de leur enfant et refusent donc de leur donner un prénom durant des semaines.

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