Selon l’OMS, les personnels qualifiés sont en nombre insuffisant, tandis que dans certains pays les populations ont de plus en plus de difficultés pour accéder aux soins.
La pandémie de Covid-19 n’aura pas seulement eu des répercussions négatives sur la prise en charge des grandes maladies qui frappent l’Afrique, comme le paludisme. Elle a aussi freiné le déploiement des programmes de lutte contre la mortalité maternelle et infantile. Le dernier Atlas des statistiques sanitaires africaines, publié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) début décembre, en fait le constat en relevant « un ralentissement dans la réalisation des principaux objectifs relatifs à la santé », et notamment ceux concernant la santé des mères et des enfants.
Cela compromet les chances d’atteindre les buts fixés en 2015 dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, visant à faire passer le taux de mortalité maternelle au-dessous de 70 pour 100 000 naissances vivantes d’ici à 2030. L’ambition est aussi d’éliminer les décès évitables de nouveau-nés et d’enfants de moins de 5 ans, de ramener la mortalité néonatale à 12 pour 1 000 naissances vivantes au plus, et la mortalité des enfants de moins de 5 ans à 25 pour 1 000 naissances vivantes au plus.
L’évolution de la situation en Afrique détermine fortement les résultats au niveau mondial : « Près de 99 % des décès maternels surviennent dans les pays en développement, dont plus de la moitié en Afrique subsaharienne, où le taux est de 525 décès pour 100 000 naissances vivantes et de 27 décès néonatals pour 1 000 naissances vivantes », souligne le rapport. Au niveau régional, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale affichent les retards les plus importants. « Un grand nombre des décès maternels surviennent dans ces deux régions », pointe Maurice Bucagu, expert en santé maternelle au siège de l’OMS. A elle seule, cette partie du continent concentre 40 % des décès maternels et un tiers des décès d’enfants. En 2030, les décès maternels y seront encore plus de cinq fois supérieurs à l’objectif visé.
La cause des décès est le plus souvent liée à des complications
survenues pendant la grossesse ou l’accouchement : hémorragie post-partum, hypertension artérielle, infections ou encore avortements pratiqués dans des mauvaises conditions. Du côté des enfants, la malnutrition chronique, la diarrhée, les infections respiratoires et le paludisme sont identifiés comme les premières causes de mortalité.
Des agents de santé ciblés par des groupes terroristes
Des situations pourtant évitables, mais les structures de soins et les personnels qualifiés sont en nombre insuffisant. « Les sages-femmes, les infirmiers, les médecins obstétriciens ou les gynécologues se trouvent surtout dans les grandes villes et très peu dans les milieux ruraux, qui concentrent pourtant la majorité de la population », explique Adam Ahmat, responsable des ressources humaines pour la santé et la planification au bureau régional de l’OMS. Une situation aggravée par la pandémie de Covid-19. « Les personnels de santé ont été réquisitionnés pour assurer la prise en charge des cas de coronavirus. Dans des centres de santé, des soignants non qualifiés se sont occupés des accouchements, des soins prénatals et postnatals. Certaines unités de soins de maternité ont même été fermées », ajoute-t-il.
Le contexte sécuritaire dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest constitue aussi un obstacle à la mise en œuvre de politiques de santé plus ambitieuses. « Au Sahel par exemple, dans des pays tels que le Burkina Faso, le Mali et le Niger, certaines populations ont de plus en plus de difficultés pour accéder aux soins de santé », explique Issaley Abdel Kader, directeur des opérations de l’ONG Alima, qui intervient dans douze pays africains. Le ciblage des agents de santé par les groupes terroristes, « dans certaines zones comme le nord-est du Nigeria, laisse des milliers de femmes et d’enfants sans accès aux soins », poursuit-il : « Les accouchements ne sont donc plus assurés par du personnel qualifié et tout le progrès fait en matière de vaccination est en train de tomber à l’eau. La résurgence de certaines maladies comme la poliomyélite est à craindre. » Le médecin déplore aussi « l’attitude réfractaire de certains groupes armés confessionnels à la planification familiale, par exemple ».[…]
Le Monde Afrique.
Cet article a été réalisé en partenariat avec le Fonds français Muskoka.