La militante camerounaise Minou Chrys-Tayl veut délier les langues des victimes de violences conjugales.
D’après le ministère camerounais de la promotion de la femme et de la famille, 55 % des femmes et jeunes filles camerounaises ont subi au moins une forme de violence dans leur vie : bastonnade, autres formes de sévices corporels, viols, insultes… La majorité garde le silence. Humiliée et battue par son compagnon, Minou Chrys-Tayl a décidé de s’exprimer et de briser ce tabou. Fondatrice du mouvement J’ai décidé de vivre, la jeune femme organise des campagnes sur les réseaux sociaux pour délier les langues des victimes camerounaises.
Pouvez-vous nous raconter votre histoire ?
Minou Chrys-Tayl : Mon histoire est celle d’une jeune journaliste animatrice camerounaise qui tombe amoureuse d’un jeune homme d’affaires et qui décide de le suivre dans son pays, le Bénin. Je découvre une société, comme dans beaucoup de pays en Afrique, où la femme n’est réellement pas prise en compte. Au-delà de tous les diplômes qu’on peut avoir, on se rend compte que la femme africaine doit se taire, se soumettre et supporter.
Quand faites-vous face aux violences conjugales ?
Mon compagnon m’avait offert un téléphone qu’il avait piraté. Il me suivait à la trace. Je n’étais plus active sur les réseaux sociaux. Mes amis s’inquiétaient. J’ai acheté un autre appareil, en cachette. Un jour, je suis allée le réparer. Le technicien était un ami de mon conjoint, ce que j’ignorais. Il l’a appelé pour le lui dire. A mon retour, il m’a crié dessus et m’a dit que je n’allais pas retourner dans sa maison. J’ai passé la nuit du 25 novembre 2016, la première de ma vie, à la belle étoile, au milieu des prostituées. Le lendemain, une connaissance m’a hébergée pendant une semaine. Mon compagnon m’a suppliée et m’a demandé pardon. Il a appelé mon frère au Cameroun, qui m’a convaincue. Je suis retournée chez lui. Mais j’étais déjà très traumatisée.
Le Monde Afrique