Mabingué Ngom, directeur régional de l’Unfpa pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre : « Le mariage d’enfants constitue une violation et un obstacle à la capture du dividende démographique »
Des organes du système des Nations unies comme l’Unfpa mènent des plaidoyers pour que l’âge des mariages des filles passe de 16 à 18 ans. Dans cet entretien, le directeur régional du Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa) pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Mabingué Ngom, prône l’éradication des mariages des filles. Selon lui, le mariage des filles constitue une violation fondamentale des droits des enfants. Il invite tous les acteurs qui combattent ce phénomène à redoubler les efforts afin réussir le pari de l’éradication du mariage des enfants avant 2030.
Quel bilan tirez-vous de cette réunion de haut niveau visant à accélérer l’action pour mettre fin au mariage des enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre ?
Cette réunion était une opportunité pour célébrer les progrès réalisés et mettre la question de la nécessité d’accélérer la cadence sur la table grâce aux évidences qui montrent qu’au rythme actuel, nous allons rater les objectifs fixés pour l’horizon 2030. Nous devons aller huit fois plus vite pour gagner le pari de l’éradication du mariage des enfants à cette date butoir. C’est triste pour ces filles qui nous écoutent et qui voient qu’elles risquent de subir le sort des enfants femmes et que leurs enfants et enfants de leurs enfants seront sacrifiées simplement parce que nous trainons les pieds. C’est d’autant plus pénible que nous avons de bonnes pratiques à amplifier et que nous connaissons également ce qui doit changer au niveau des communautés comme chez tous les acteurs impliqués dans ce combat et dont les comportements doivent également changer. On n’en parle pas très souvent ! Même si je ne peux pas dire que tout sera rose, je dois avouer que cette réunion a été une excellente plateforme pour identifier les bonnes pratiques mais aussi dire ce qui limite les progrès. C’était également une plateforme d’échanges et de partage entre les différents partenaires qui ne se parlent pas toujours et militent pour la même cause. Les bonnes rencontres et les bonnes décisions ne sont pas suffisantes pour changer des pratiques complexes comme les mariages des enfants. C’est un combat qui se gagnera par le travail en équipe avec les leaders communautaires, religieux et une solidarité internationale encore beaucoup plus forte. Bien entendu, sans un engagement plus fort des gouvernements et des parlementaires qui votent les lois, approuvent les budgets et contrôlent l’action publique, des progrès significatifs sont peu probables. A l’Unfpa, nous pensons fermement que le mariage des enfants est une pratique à éradiquer le plus rapidement possible et pas après 2030 !
Quels sont les impacts des mariages précoces sur la santé de la jeune fille ?
Le mariage d’enfants est une pratique répandue en Afrique où plus de la moitié des femmes âgées de 25 à 29 ans ont été mariées pour la première fois avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans et un tiers d’entre elles se sont mariées avant d’avoir 15 ans. Dans certains pays comme le Niger et le Tchad, ces taux avoisinent 70 %. Il constitue une violation fondamentale des droits des enfants qui risquent non seulement leur vie mais compromettent leur avenir et bien-être tant les conséquences sont élevées. Il s’agit des grossesses précoces avec des complications au cours de l’accouchement, des fistules obstétricales, le risque de voir son enfant mourir ou contaminer par le Vih, etc.
En effet, sans préparation sur le plan physique et émotionnel à donner naissance à un enfant, les filles mariées très jeunes courent un risque de décès plus élevé lors de l’accouchement et sont vulnérables aux morbidités liées à la grossesse, telle que la fistule obstétricale. Elles sont susceptibles d’avoir des grossesses précoces et fréquentes, première cause de mortalité chez les filles de 15 à 19 ans des pays à faibles revenus ou intermédiaires. Pourtant une récente étude sur les impacts sanitaires du mariage des enfants a révélé qu’une baisse de seulement 10 % pourrait contribuer à une réduction de 70 % de la mortalité maternelle et de 3 % des taux de mortalité infantile. Les nourrissons nés de mères âgées de moins de 18 ans présentent un risque de mourir de 60 % plus élevé au cours de la première année de vie que ceux nés de mères âgées de plus de 19 ans